Cet homme est un prince, un prophète qui, du haut de ses soixante-douze ans, contemple, serein, cinquante ans de jazz. Car Ahmad Jamal possède désormais la plénitude de celui qui n’a plus rien à prouver après avoir porté à son plus haut niveau l’art du trio dans le jazz moderne. Véritable passeur, jadis influencé par Erroll Garner, il est aujourd’hui considéré par Keith Jarret! comme son principal inspirateur. Pourtant, sa carrière fut erratique, passant du statut de star dans les années cinquante à celui d’anonyme. Mais depuis dix ans, Ahmad Jamal renaît de ses cendres, transformant chacun de ses concerts en une véritable fête du piano. L’entendre aujourd’hui, c’est redécouvrir son jeu intuitif et délicat, subtilement alterné de silences et de rebondissements. C’est aussi se demander à juste titre s’il est possible de jouer du piano autrement.