Pour clore en beauté cette 41e édition de jazz sous les pommiers, on retrouve Avishai Cohen – le contrebassiste, à ne pas confondre avec son homonyme trompettiste, autre invité régulier du festival
Avant de passer au répertoire du nouvel album, le concert débute avec Seattle, tiré du disque Gently Disturbed, un titre paisible et mélancolique qui nous installe en douceur dans l’univers du contrebassiste. Place ensuite à The Windows, blues revu et corrigé à la sauce Cohen, tout en rythmiques complexes et en ruptures. Chez le musicien, les thèmes sont plus souvent construits sur des suites d’arpèges ou d’accords et des schémas rythmiques que sur des mélodies. C’est le cas par exemple pour le nostalgique Below, tout en accords décomposés en une tournerie obsédante et délicieusement entêtante, une composition empreinte d’une grande tristesse. Après deux titres plus enlevés, dont Shifting Sands qui a donné son nom à l’album et qui s’achève par un solo du contrebassiste, le trio enchaîne avec l’euphorique Joy, au thème doublé au piano et à l’archet, qui donne l’occasion à Roni Kaspi de nous offrir un solo époustouflant qui a littéralement enflammé les spectateurs. La jeune batteuse associe fougue, intensité et finesse. C’est d’ailleurs une caractéristique de la musique du contrebassiste, toute en détentes et tensions, à la fois douce et puissante, et par ailleurs “mélodieuse sans mélodies”… qualités que l’on retrouve chez le pianiste Elchin Shirinov, remarquable d’expressivité. Le trio est soudé, parfaitement équilibré, et la musique circule naturellement entre les musiciens. Retour à la lenteur avec Dvash où, de façon inattendue, Avishai Cohen prend un solo énergique et incisif sur une musique élégiaque et posée. Le concert s’achève ensuite avec Hitragut et Cha Cha Rom, annonçant un triple rappel qui commence par une reprise bouleversante du traditionnel Sometimes I Feel Like a Motherless Child, chanté par Avishai Cohen, seul sur scène, s’accompagnant à l’archet sur sa contrebasse : une version brute, sans fioritures, très intense. La batteuse et le pianiste le rejoignent alors pour la reprise de deux titres plus anciens, que le public accueille avec enthousiasme, donnant à nouveau l’occasion d’un solo de batterie ébouriffant.
Un superbe concert d’un trio au meilleur de sa forme, très beau bouquet final pour un festival 2022 riche en émotions et en moments forts.
Texte et photos : Stéphane Barthod